Dessine-Moi un Mouton

Juliette Quirion

16 ans | Sherbrooke, Québec

Expo-Sciences Pancanadienne 2019 Prix d’Excellence Intermédiaire: Médaille d’Or | Prix Jeunesse Innovante 2019 | Bourse d’études de $4000, Western University


INTRODUCTION

Abigaëlle, âgée de 4 ans, dessine depuis quelque temps déjà et tente de commencer à écrire comme la plupart des enfants de son âge. Abigaëlle a beaucoup de volonté mais ses efforts sont freinés par sa condition musculaire. En effet, elle est atteinte de plusieurs maladies qui attaquent les muscles et articulations de ses avants-bras. Elle souffre entre autres d’arthrogrypose qui est une maladie congénitale qui rend ses articulations raides et donc moins malléables pour le mouvement. Ses muscles ont aussi eu une croissance insuffisante dû à l’hypoplasie dont elle est aussi atteinte. Ayant un volume plus petit que la normale, ses muscles sont moins forts pour effectuer des mouvements. Le but du projet était de créer une orthèse pour permettre à Abigaëlle d’écrire de manière plus fonctionnelle, avec une seule main. Sa manière d’écrire sans l’orthèse impliquait l’utilisation de ses deux bras puisque c’est ce qui était le plus convenable pour elle dû à sa condition. Le problème est au niveau de la posture adoptée lors de la pratique du dessin ou de l’écriture. Cette mauvaise posture, asymétrie des épaules lors de l’écriture, entraînera des problèmes de dos à long terme.

J’ai trouvé une patiente et des collaborateurs en ergothérapie. Sarah Rahimaly, une étudiante en ergothérapie m’a référée à Marianne Cabana, ergothérapeute en pédiatrie au Centre de réadaptation de l’Estrie. Elle a été une grande source d’information quant à la manière de réaliser une orthèse convenable et en ce qui concerne quels principes de conception utiliser.

Marianne Cabana m’a présenté sa patiente, Abigaëlle. Elle est atteinte d’arthrogrypose congénitale et d’hypoplasie aux membres supérieurs. L’arthrogrypose est une maladie entraînant de la raideur articulaire et une amplitude de mouvement très limitée. Elle présente également de l’hypoplasie aux membres supérieurs qui est caractérisée par la croissance insuffisante ou absente d’un tissu ou d’un organe. Abigaëlle souffre aussi d’atrophie musculaire au niveau de ses membres supérieurs, ce qui empêche les muscles de se développer suffisamment. Les muscles sont beaucoup moins forts puisqu’ils sont plus petits que la normale.

La mère d’Abigaëlle a signé des autorisations pour les archives du Centre de réadaptation, visant à me permettre l’accès aux informations médicales de sa fille et à prendre des photos ou des vidéos d’Abigaëlle. J’ai aussi eu la possibilité d’assister aux rendez-vous d’ergothérapie d’Abigaëlle ce qui m’a permis de mieux la connaître ainsi que de l’évaluer davantage. J’ai pris plusieurs vidéos lors de ces rendez-vous et j’ai pu mieux comprendre le besoin d’une orthèse et la manière de fonctionner d’Abigaëlle.

Avant de concevoir une orthèse, j’ai assisté à des évaluations pour cibler les problèmes spécifiques. J’ai ensuite dû explorer les différentes solutions aux problèmes d’écriture comme ceux d’Abigaëlle. Je me suis posé la question, à savoir ce qui serait le plus utile pour elle et ce qui comporterait le plus d’avantages. Une des solutions fréquemment utilisées lorsqu’il y a un problème d’écriture chez un enfant est une auxiliaire à l’écriture, comme un «pencil grip» (Document fourni par Sarah Rahimaly, 2018). Celle-ci favorise une prise du crayon efficace en «forçant» la position des doigts sur le crayon. Dans le cas d’Abigaëlle, cette solution n’était pas envisageable puisqu’elle n’a pas la force de fermer ses doigts ensemble, alors l’auxiliaire ne servirait à rien dans son cas. Une autre solution potentielle lorsqu’il y a une déficience sur le plan de l’écriture est une prothèse (Les articles, TPE). Celle-ci est utilisée en remplacement d’un membre manquant. Dans le cas d’Abigaëlle, comme elle a encore ses membres, mais qu’elle a une malformation, la prothèse ne serait pas utile non plus. J’en suis alors venue à la conclusion que l’appareil le plus efficace dans ce cas était une orthèse, qui vient palier à une fonction musculaire manquante, dans ce cas les bras, les poignets et les doigts.

À la suite de mes observations, j’ai formulé trois objectifs que devait remplir l’orthèse pour qu’elle soit le plus efficace possible. Premièrement, permettre une autonomie pour la mettre ou l’enlever. Ensuite, favoriser le contrôle du crayon, améliorer la précision des traits et bien tenir le crayon, avec une seule main. Finalement, rendre l’activité plus agréable et accessible pour Abigaëlle.

HYPOTHÈSE

Le but de mon projet était donc assez clair; concevoir une orthèse d’écriture pour Abigaëlle, lui permettant de tenir son crayon à sa place et de dessiner, tracer et écrire normalement, à une seule main ce qu’elle n’était pas capable de faire avant.

MATÉRIAUX

Pour ce qui est des matériaux utilisés lors de la conception de l’orthèse, ce n’est pas tous les matériaux qui ont été utilisés pour chacun des prototypes. Premièrement, la base de chaque orthèse est un tissu mousse qui est optimal pour le confort mais aussi dû au fait que ce tissu se travaille bien. J’ai utilisé ce tissu pour les premiers prototypes mais j’ai changé de tissu pour l’orthèse finale. Le néoprène est le tissu que j’ai utilisé pour l’orthèse finale parce qu’il permettait à Abigaëlle d’être plus autonome pour mettre et enlever l’orthèse dû à sa plus grande rigidité et le fait qu’il tenait mieux le crayon dans la pochette de l’orthèse. J’ai utilisé du velcro, le côté bouclé de ce dernier puisqu’il avait une bonne adhérence au crayon. La mousse semi-rigide a été utilisée pour faire une pente dans la pochette dans le but de donner un angle au crayon et ainsi permettre une utilisation plus efficace pour Abigaëlle. Pour ce qui est des matériaux utilisés pour assembler chaque orthèse, j’ai utilisé de la colle forte et j’ai cousu certaines parties avec un fil et une aiguille.

RÉSULTATS

Prototype 1

Figure 1. Pente en mousse.

Figure 1. Pente en mousse.

Ce premier prototype est un bracelet en tissu mousse avec une pochette dans laquelle est collée une pente en mousse semi-rigide. Cette pente en mousse a pour but de donner un angle au crayon et assurer qu’il arrive mieux dans la main d’Abigaëlle. Le bracelet est attaché autour de son poignet et le crayon lui arrive entre le pouce et l’index ou entre l’index et le majeur, dépendamment de ses préférences. Cette orthèse n’est pas optimale parce que la mousse utilisée est glissante et le crayon n’adhère pas bien à l’intérieur de la pochette. Cela rend le contrôle du crayon difficile puisqu’il n’est pas stable.

Prototype 2

Figure 2. Cône en velcro bouclé dans la pochette du crayon.

Figure 2. Cône en velcro bouclé dans la pochette du crayon.

Cette deuxième orthèse sert à venir corriger l’inadhérence de la mousse dans la pochette du dernier prototype. J’ai utilisé pour celle-ci du velcro, le côté bouclé de ce dernier, que j’ai roulé en cône et collé à l’intérieur de la pochette. Le crayon tient bien dans le cône dû à sa forme et aussi à cause du velcro qui est adhérent. Cette orthèse n’est pas non plus optimale pour Abigaëlle parce que le cône tient bien le crayon mais ne lui offre pas d’angle. Le crayon n’arrive donc pas bien entre ses doigts et ne rend pas l’utilisation de l’orthèse adéquate.

Prototype 3

Figure 3. Pente en mousse entourée de velcro.

Figure 3. Pente en mousse entourée de velcro.

Cette orthèse est la première qu’Abigaëlle a testée. C’est celle qui est la plus optimale parce qu’elle comprend les deux points positifs des orthèses précédentes soit la pente en mousse enroulée de velcro. L’angle donné au crayon est donné par la pente tout en tenant bien au fond de la pochette en raison du velcro. Cette orthèse, bien qu’elle tienne adéquatement le crayon, n’est pas conçue avec un tissu qui permet une autonomie à Abigaëlle pour la mettre seule parce qu’il est trop mou.

Prototype 4

Figure 4. Orthèse finale.

Figure 4. Orthèse finale.

À l’intérieur de la pochette de cette orthèse, il y a la même chose que la précédente soit un pente en mousse enroulée de velcro. La seule différence de celle-ci est que le bracelet est en néoprène. Le néoprène est un tissu plus rigide et qui se tient mieux alors c’est plus facile pour Abigaëlle de mettre et d’enlever le bracelet seule.

DISCUSSION

La dernière orthèse est la plus optimale parmi toutes les orthèses parce que c’est celle qui corrige tous les défauts des autres orthèses. Le système à l’intérieur de la pochette est celui qui permet la meilleure tenue du crayon dans la pochette à cause du velcro. C’est aussi la seule avec le néoprène comme tissu de conception et c’est ce qui le mieux pour elle.

CONCLUSION

Le but du projet était de concevoir une orthèse pour Abigaëlle qui lui permettrait de dessiner, tracer à une seule main en tenant le crayon à sa place. L’hypothèse de départ a été confirmée parce qu’Abigaëlle utilise son orthèse depuis plus de deux mois maintenant. L’orthèse est donc très efficace. L’orthèse, bien qu’elle soit présentement utilisée à des fins d’écriture et pour le dessin pourrait aussi très bien servir avec une fourchette ou une cuillère pour manger. La conception réalisée répond donc très bien au problème de départ qui était de permettre le maintien unilatéral du crayon et le redressement de la posture. Il est important de mentionner qu’Abigaëlle utilise maintenant une orthèse dynamique sous forme de corset qui maintient son torse pour lui offrir une meilleure posture. Cette orthèse arrive jusqu’au poignet donc compromet en quelque sorte l’utilisation de l’orthèse d’écriture. L’orthèse conçue est donc utilisée lorsqu’elle ne porte par l’orthèse dynamique ce qui arrive à certains moments dans la journée selon son ergothérapeute Marianne Cabana. L’orthèse qu’elle utilise présentement a subi quelques modifications de l’orthèse finale conçue. Il y a maintenant un moule en thermoplastique à l’intérieur de la pochette pour faciliter l’entrée du crayon dans cette dernière.

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Entretiens avec Marianne Cabana, Ergothérapeutre au CIUSSS, Essais et guide de création de l’orthèse, rendez-vous d’Abigaëlle, réalisés le 17 septembre 2018, le 19 octobre 2018, le 2 novembre 2018, le 17 décembre 2018, le 7 janvier 2019 (Mentor)

Entretien téléphonique avec Sarah RAHIMALY, étudiante de quatrième année en ergothérapie, Conception et affiches, réalisée le 4 décembre 2018

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JULIETTE QUIRION

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Je m’appelle Juliette Quirion, j’ai 16 ans et je viens de Sherbrooke au Québec. Je serai en 5e secondaire à la rentrée des classes en septembre prochain. Je suis une personne très passionnée par tout ce que j’entreprends et mon projet d’Expos science de cette année en fait partie. J’aime toutes les formes de sciences, mais le monde de la santé m’a toujours beaucoup intéressé davantage. Je pratique quelques sports dont le soccer depuis l’âge de cinq ans ainsi que le volley-ball lors de l’année scolaire. Plus tard, je désire être ergothérapeute et c’est donc pour cette raison que j’ai orienté mon projet vers ce domaine. Je trouve que c’est une partie de la santé moins connue mais fort intéressante et qui laisse une grande place à la créativité et à l’innovation.